Il y a fourme et fourme ! La Fourme d'Ambert, la Fourme de Montbrisson, autrefois cousines, ont divorcé en 2002 et sont représentées par un cahier des charges bien distinct. Mais comme beaucoup de cahiers des charges auvergnat qui n'ont pas réellement misé sur le maintient des traditions, ces fourmes ont perdu en authenticité. Largement pasteurisées, peu fermières ( environ quatre producteurs fermier pour chacune des appellations), elles sont devenues ce fromage bleu, crémeux pour l'une, ferme pour l'autre, souvent insipides, rarement sexy, qui peinent à relever le niveau sur un plateau . Pourtant au milieu du Forez, au col des Supeyres, il existe une fourme originelle, encore faite en jasserie l'été ( ces granges ou l'on monte pour profiter de l'estive). Bien loin de ses consœurs, elle est surement un des fromage les plus fous que j'ai pu goûter. Subtile, ferme, avec une réelle expression du travail de qualité fait par la Ferme des Hautes Chaumes, cette fourme c'est la Fourme de Valcivières. Et vous savez quoi ? J'ai eu la chance d'aller en fabriquer ! Je vous montre tout ça .
Etape numéro 1 : se perdre au Col des Supeyres ...
A environ 1300 mètres d'altitude, au milieu du Parc naturel régional Livradois Forez, Albane, Laurent et Emmanuel se sont installés avec leurs 29 vaches abondances et sont les derniers à fabriquer de la fourme en jasserie. De fin mai à fin septembre, ils montent le troupeau, la salle de traite et la fromagerie mobile en estive pour profiter de la pousse d'herbe du plateau.
Et c'est quand on se promène au milieu du plateau que le mot diversité floristique prend tout son sens ! |
L'histoire est peu commune. Originaire du coin Laurent commence avec deux vaches et un sacré défi ! Retrouver la recette de la fourme qui se fabriquait autrefois sur le plateau. Avant, les Ferrandaise peuplaient les lieux, produisaient un veau gras et avec le reste du lait on faisait cette fameuse fourme, affinée longtemps, et rarement bleue ;) Après beaucoup de recherche, rencontres, essais, la Ferme des Hautes Chaumes finit par retrouver cette fourme en travaillant notamment sur les ferments de fabrications. Je vous explique ça ;)
Une journée à fabriquer de la Fourme au milieu des nuages :
Tout commence par la traite ! Les vaches sont alors tous les jours dehors et profitent de la flore exceptionnelle des pâtures. Et c'est ici que commence également le travail des fromagers. La Ferme des Hautes Chaumes à fait le choix de produire ses propres ferments pour la fabrication. Produire ? Plutôt cultiver diront nous ... En effet ces bactéries lactiques sont naturellement présentes sur les pis des vaches, dans l'air, dans les machines à traire. En ne conservant que les leurs et en fuyant les ferments industriels, ils s'assurent d'une réelle typicité ! C'est finalement comme cela que l'on faisait autrefois... Ces bactéries indigènes sont aromatiques, capricieuses, et demandent au fromager une réelle sensation de la fabrication. Parfois plus lentes, parfois trop rapides, elles sont comme une petite armée anarchiste à gérer ! C'est de l'art tout simplement ...
Le lait du soir est légèrement refroidi et mélangé au lait du matin pour arriver à trente degrés. Les bactéries lactiques ont commencé à acidifier pendant la nuit, on peut emprésurer. Et le caillage va durer une heure.
Bon ... Moi j'ai choisi l'option contemplation pendant cette heure ...
Laurent, lui, sale les fourmes de la veille au gros sel.
Elles attendront le lendemain pour descendre à la ferme et commencer leur affinage.
Le caillé est coupé en cube de 1 par 1 et le brassage commence
Il va durer quasiment une heure également, le temps que les grains de caillé se coiffent. C'est a dire qu'ils se recouvrent d'une fine pellicule pour éviter qu'ils s'agglomèrent tous au moulage ( comme pour le gros de fabrications de bleu)
Au bout d'une heure le grain est prêt. Les odeurs sont folles et le gout du caillé déjà prometteur. On navigue dans des flaveurs de yaourt, d'herbe fraîche, de lait, ...
Le grain est légèrement égoutté sur un tamis pour enlever un maximum de petit lait
Il est par la suite versé dans les moules
Et il restera à s'égoutter jusqu'au lendemain
Les fourmes redescendent à la ferme et vont sécher pendant une petite semaine à douze degrés environ
Elles rejoignent alors cette cave un peu folle, où l'eau de source coule au sol pour garder l'humidité. Et elles vont vieillir cinq mois sur leurs planches en bois.
Au bout de cinq mois, elles sont devenues des bijoux. Subtiles, gardant la mémoire de toute la complexité aromatiques de la flore du Forez. Nos bactéries indigènes ont fini leur travail ! Il leur aura fallu du temps pour arriver à ce résultat exceptionnel , pour que le caillé devienne fromage, pour que le bleu s'installe, que les arômes s'expriment.
Alors il faut la goûter cette Fourme de Valcivières !
Pour ceux qui voudrait aller voir le Col des Supeyres, son panorama exceptionnel, et acheter de la fourme , la Ferme des Hautes Chaumes est le jeudi au marché d'Ambert et le samedi au Puy en Velay. Deux infos ! l'excellent Chalet des Gentianes, avec son accueil chaleureux, ses petits plats réconfortant et ses chambres tellement confortables ! Et Valcichèvre, deux chevriers qui sur la route du col font une tome de chèvre géniale !
Pour les plus parisiens d'entre vous, vous la trouverez Chez Virginie dans le dix-huitième et à Terroir d'Avenir rue du Nil ;)
Pour les autres ? On peut la commander en ligne ! Ici
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