Il y des fromages qui ne s'attendaient pas à un tel destin. Des régions, qui suite à différents événements se retrouvent propulsées sur la scène mondiale de la gastronomie. Tout ça pour un petit fromage qui se donnait, tellement il était loupé. Direction Casar de Caceres, pour découvrir la Torta del Casar et son histoire un peu funeste ...
La Torta del Casar c'est quoi ?
Peut être n'avez vous pas croisé ce drôle de fromage de brebis au lait cru fait dans la province d'Estremadure. Sa particularité ? Un cœur crémeux, parfois liquide et des arômes qui lui sont propres. Un fromage de caractère dont la texture supra gourmande étonne, puis séduit. Sûrement un des fromage espagnol les plus connu après le Manchego.
Sa particularité est lié au fait que le lait est caillé avec une décoction de chardon: le cynara cardunculus Ce chardon va également amener toute une variété de ferments qui vont entraîner une forte protéolyse et ce cœur crémeux. Un des rare fromage végétal d'Europe.
Les pistils du chardon sont mis à infuser la veille et ajoutés au lait. Mais ça j'y reviens plus tard car j'ai réussi à percer les secrets de fabrication de la Torta ;)
Elle est faîte dans un rayon de 90 kilomètres autour de Casar de Caceres avec le lait des brebis essentiellement Mérinas, une race locale issue des croisement des troupeaux car cette zone était sur la principale route commerciale d'Espagne.
Du fromage loupé à la réputation internationale, ou comment la célébrité de la Torta del Casar à définitivement changé la campagne estremadurienne
Autrefois, les bergers élevaient des grands troupeau de brebis pour le compte de la couronne. Elles étaient essentiellement destinées à la viande. Mais au printemps, quand l'herbe abondait, on les trayait pour faire un fromage de garde type manchego.
Le lait était mis à chauffer avec un peu de décoction de chardon, moulé dans des moules en roseaux, puis pressé. Et parfois, le fromage n'était pas pareil. Il devenait coulant à l'affinage, loin de la tome voulue. Ces fabrications étaient le plus souvent jetées, ou données car elles n'avaient pas une bonne image. Les bergers essayaient de comprendre pourquoi le fromage filait ainsi, et c'est souvent la théorie du mauvais œil qui l'emportait. Peu fier de ces fromages loupés, les fermiers qui faisaient beaucoup de "torta" malgré eux étaient très mal perçus.
Et la tradition a continué ainsi. Parfois certaines fabrications loupaient, on donnait alors ces fromages aux clients qui venaient acheter des tomes. Ou on le jetait. On peut expliquer aujourd'hui ces différences de fabrications par la température, la dose de ferments, le temps de caillage, à une époque où le fromage n'était qu'un sous produit, et sa fabrication aléatoire et peu prioritaire.
C'est dans les années soixante dix qu'un journaliste américain goûte la Torta. Suite à un de ses articles dans un grand journal New Yorkais, le monde découvre alors ce fromage. Et en veux ... Réactif face aux nombreux touriste US qui débarquèrent à Casar de Caceres, la profession lance la fabrication de ce fromage à grande échelle pour répondre à la forte demande. En 1999 la création de l'Aop enterre définitivement les fabrications fermières, imposant des normes pour l'export peu adaptées à la tradition fromagère locale.
La Torta del Casar aujourd'hui, cinq fromageries et des troupeaux énormes pour fournir la demande
La mise en place de l'Aop, les normes européennes et la crise en Espagne auront eu raison des petites fabrications de Torta. Il s'en trafique un peu au printemps, certains la font encore à la ferme mais peu s'en vantent... Aujourd'hui cinq fromageries se partagent le marché. Encore au lait cru, sa fabrication est très industrialisée. Quelques un résistent comme je vous le montrerai quand j'ai été apprendre à faire de la Torta del Casar chez un des derniers traditionnel du secteur.
Visite chez le seul producteur fermier et ses 3500 brebis ... L'accueil fut adorable et le fromage bon. Loin des fermes que j'ai l'habitude de croiser, je commence tout juste à me rendre compte que la politique espagnole en terme d'agriculture et de fromage reste très différente d'une région à l'autre. Entre Eugénia et ses dix huit vaches dans la montagne et ces milliers de Romana conduites de manière très intensive, la mise en place des Aops à d'un coté permis de maintenir des micros systèmes en montagne, et d'un autre à largement balayer ce qui restait d'agriculture paysanne en Estremadure en renforçant les structures industrielles .... Si vous vous promenez dans la région, n'hésitez pas à passer au tout petit musée gratuit et très bien fait de la Torta del Casar à Casar de Caseres.
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