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A se promener dans les rayons des boutiques, tout a un arôme de truffe en cette fin d'année. Elle est rare et chère (de 800 à plus de 6000 euros le kilo suivant les variétés). Et pourtant la truffe a envahi le domaine de l'alimentaire, du ravioli au fromage en passant par le chocolat ou le café. Certains magasins lui dédient un espace à part entière où fleurissent les propositions de mauvais goût autour de cette pépite. Certains fromagers également. Alors comment s'y retrouver au milieu des fromages truffés ? Et sont-ils finalement nécessaires ? Je vous explique tout !
De quoi parle-t-on et pourquoi valent-elles si cher ?
Il existe une soixantaine de truffes mais parmi elles, selon la Répression des fraudes, cinq présentent un intérêt gustatif ou économique. En fait, pour être clair et passer le cap de l'économique, il y a deux truffes : la tuber melanosporum (dite truffe noire ou truffe noire du Périgord ou truffe du Périgord, je suis précis, ce n'est pas sans raison) et la tuber magnatum (dite truffe blanche du Piémont ou d'Alba). Et les noms sont légiférés ! Elles sont aromatiques et hors de prix : 600 à 900 euros le kilo pour la noire, jusqu'à 6000 euros le kilo pour l'Alba dont la culture est impossible et qui sera forcément sauvage.
La truffe est chère car elle est rare et que sa production diminue en lien avec les pesticides (trois fois moins de volumes en 150 ans). Elle est dure à trouver (et il nous faut forcément un cochon, un chien ou une mouche) et elle se conserve peu. Pire ! Ses arômes sont détruits par la cuisson, la congélation, la déshydratation ou une longue conservation. Et en plus, elle est saisonnière ! Si l'on prend l'exemple de la melanosporum, la saison ne dure que quatre mois, de début décembre à fin mars. En début de saison, les truffes sont petites, prêtes du sol et sont condamnées à geler : elles présentent un intérêt gastronomique assez faible. En fait, la pleine saison de la truffe, c'est janvier et février, autant vous dire que vous devrez attendre l'après-fêtes...
Pourtant, des fromages truffés, on en trouve toute l'année...
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Un gros merci à Laure et Mathieu de Taka et Vermo pour les photos de fromages truffés ! Parmi les trop rares crémiers à respecter la saisonnalité de ce joli produit ;) |
Forcément face à cette tendance les industriels ont su s'adapter ! Mais comme on l'a vu, la stérilisation et la congélation font perdre l'arôme aux truffes, si complexe et inimitable. Alors comment on fait ? Tout d'abord, il nous faut de la truffe ! Et oui, pour parler d'un fromage "truffé", la loi française impose 3% de truffe (forcément de la melanosporum, de la brumale ( version provence) ou de la magnatum).
Si on veut parler de la truffe sur le produit sans dire le mot "truffé" (fromage à la truffe, huile à la truffe, cookie à la truffe, etc.), il en faut au moins 1%. Et un 1% de melanosporum, de brumale ou de magnatum, cela rajoute 8 à 60 euros à votre kilo de votre fromage. Heureusement, il y a les autres truffes (qui peuvent être citées dans ces fameux 1%)! Moins chères car nettement moins aromatiques, particulièrement quand elle ne sont pas françaises ! La truffe chinoise se touche dès 50 euros le kilo, l'aestivum dès 150 voir moins quand on file en Europe de l'Est ( envie d'en savoir plus ? Filer sur ce site d'export de truffe !)
Il suffit donc de faire un fromage à la truffe, d' y coller le 1% obligatoire pour qu'on voit deux trois traces noires, et on est dans les clous. Bon, reste le goût... Très clairement, ça a la saveur du pneu.
Les fabricants sont sauvés par les arômes ! Et oui, l'arôme de la truffe est très complexe et on n'a jamais réussi à le copier parfaitement. Comme l'explique l'excellent magazine Trufficulteur (ce blog me pousse à des lectures...) : "Ces arômes artificiels, comme
nous l’avons déjà vu, ne peuvent
approcher la complexité
des parfums naturels, ni donner
un goût approchant les
qualités gustatives originelles
de la truffe.
Ils permettent seulement de
disposer de produits chimiquement
et microbiologiquement
stables, commercialisables
toute l’année. Mais ce ne sont
que des succédanés qui n’ont
pas leur place dans une cuisine
de qualité"
L'arôme truffe, cette hérésie qui enterre la truffe française
Et oui ! Car il y a arôme et arôme.
Un "arôme naturel de truffe" vient à 90 % de la truffe et contient 10 % d'autres substances naturelles
Un "arôme naturel de truffe" vient à 90 % de la truffe et contient 10 % d'autres substances naturelles
Un "arôme naturel" (sans spécifier le mot truffe) est issu de substances naturelles ( et là le choix est vaste) qui n'ont rien à voir avec la truffe. Si l'on prend l'exemple de la fraise, un arôme naturel est essentiellement composé d'un bois australien. Ça sent la fraise, c'est naturel, mais ce n'est pas de la fraise. Et pour la truffe c'est la même chose ! On ne peut pas utiliser le mot "truffe" car l'arôme en contient certes un peu, mais l'odeur vient d'ailleurs !
Et quand c'est juste marqué "arôme" ? C'est chimique .
Alors ne vous leurrez pas, jamais un fabriquant ne fera l'économie d'un signe de qualité ! La différence vient du prix évidemment. Prenons deux exemples:
Un fromage plein d'arôme chimique
Une préparation fromagère qui joue le jeu
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Pas d'arômes, réellement de la tuber melanosporum, fait par des gens de qualité, La Coopérative Jeune Montagne ! C'est cher mais c'est génial ;) Le prix ? 10 à 15 euros suivant les maisons, comme notre brillat ... |
Et c'est la vraie difficulté aujourd'hui. On a tellement imposé ces arômes chimiques puissants, qu 'en comparaison le goût naturel de la truffe semble fade. Beaucoup de mes collègues crémiers sont juste navrés au moment des fêtes, où on leur ramène leur fromage truffé en leur disant que ça n'a pas de goût ! Et pourtant si, c'est juste que l'arôme d'une mélanosporum ou d'une magnatum est subtil, doux et complexe. Et que finalement, un Brie truffé, c'est bon en janvier !
Alors, mort au truffes ?
Je suis très clairement mal à l'aise en écrivant ce post. Je n'ai jamais prôné le luxe, les produits réservés à une élite. Mais parfois, quand un produit vaut cher, c'est qu'il y a une ou des raison (s) : la rareté, la qualité, l'exception, les rendements faibles... La démocratisation à outrance de produit dont ce n'est pas l'essence n'est jamais éthique, écologique, sociale et gastronomique. Il s'agit toujours d'une histoire de gros sous et je ne vais pas vous refaire le film du foie gras, du saumon fumé ou du caviar. Et si démocratiser la truffe, c'est faire bouffer du pétrole au gens, autant les laisser s'enfiler un bon litre de diesel à un euro à la pompe !
Alors oui, on peut truffer ! Et une jolie truffe, ça vous coûtera trente euros ! Et on la prend fraîche ! Et on fait un camembert truffé comme je vous l'ai déjà montré ici. On se craque, c'est les fêtes, on le regrettera plus tard !
Ou alors on réfléchit à d'autre manière de se faire plaisir en ces temps supra gourmands et on joue la carte de créativité ! Tout est une histoire d'honnêteté et de talent finalement ;)
Et on s'y retrouve comment ?
Lire une étiquette c'est assez facile ! Et c'est l'un des seuls avantages de la grande distribution, c'est que tous les produits emballés doivent être étiquetés. Et les produits sans étiquettes dans les commerce de détail ? Le code de la consommation vous protège et vous pouvez demander à votre détaillant de pouvoir la consulter. Allez, moi je file faire un brie au marrons glacés...
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