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L'utilisation du lait cru semble être évidente pour les fabrications fromagères. Symbole de tradition, de goût, de qualité, il est pourtant bien malmené. Par exemple, sur les 45 AOP fromagères, 18 autorisent la pasteurisation et la thermisation du lait. Mais de quoi parle-t-on finalement ? Et pourquoi est-il si important de faire le choix du cru ?
C'est quoi le lait cru ?
La définition légale parle d'un "lait entier qui n'a subi aucun traitement thermique ou microfiltration et qui n'a pas été chauffé à plus de 40 degrés".
Pourquoi ? Le lait cru présente un flore naturelle, il sort stérile de la mamelle et va se contaminer au fil de la traite, du stockage et de la fabrication. Cette contamination est voulue et souhaitée ! En effet, toutes ces bactéries, levures et moisissures, auront un rôle pour la fabrication fromagère. Les bactéries lactiques, les flores d'affinage, sont présentes dans l'environnement des animaux, se posent sur leur pis, volent dans les ambiances des bâtiments d'élevage. On ne parle pas de flore pathogène, mais de flore technologique utile.
Pourquoi pasteurise-t-on ?
La pasteurisation, la thermisation, la stérilisation ont le même but: détruire la flore du lait cru.
L'idée est de tout mettre à plat pour avoir un lait mort. On fait cela pour la conservation notamment. Ce qui explique qu'une brique de lait UHT peut rester un an dans votre garage à température... Bon, c'est le moment ou j'aimerais qu'on m'explique en quoi cette brique de lait peut renvoyer à quelque notion de santé. Je pense sincèrement qu'une poignée de lentilles sera toujours plus bénéfique qu'un gros verre de lait UHT.
On fait également cela pour mettre des bactéries sélectionnées pour la transformation.
Je m'explique ! Quand on travaille le lait cru, on est face à un produit brut, vivant, peuplé d'une petite armée d'anarchistes. Et c'est là que s'exprime tout le talent des éleveurs et des fromagers pour permettre à ces bactéries de s'exprimer et de travailler dans leur sens. Cela demande du talent. Comme les industriels n'ont pas de talent, ils font le choix de la simplicité. Ils pasteurisent, ajoutent des bactéries sélectionnées, dociles... et finalement fades.
On pasteurise aussi pour augmenter la durée de vie du produit
Afin qu'il vieillisse allègrement dans les rayons des grandes surfaces. En effet, notre flore naturelle pourrait entraîner des défauts de vieillissement ! Rien de toxique, mais votre Kiri n'a pas à devenir bleu au bout d'un mois...
On pasteurise pour traiter des vieux laits ou des laits qui viennent de loin !
Et oui, le lait cru se garde deux jours ! Trois à la limite si vous voulez faire un mauvais fromage. Pasteuriser c'est voyager ! Moins de souci de temps, ce qui permet à nos industriels de travailler du lait apatride, d'en envoyer ailleurs, histoire de continuer à creuser le déséquilibre mondial.
On pasteurise pour traiter des laits sales !
Plus besoin de bon sens ou d'attention pendant la traite, le lait sera de toute façon traité et hygiénisé. En revanche, on continue à imposer aux paysans des grilles de paye du lait, en les pénalisant sur la propreté, même pour faire du lait en brique UHT.
Pourquoi un produit au lait cru est-il meilleur ?
C'est la diversité de souches présentes qui explique la plus grande palette aromatique des fabrications crues. En effet, ce sont les bactéries et les flores d'affinage qui vont donner goût et texture au fromage. Sur une fabrication pasteurisée, on sélectionnera des souches avec une quinzaine de bactéries. En fabrication crue, elles seront plusieurs centaines.
De plus, cette attention particulière sur la contamination positive du lait ne se fait que dans des élevages ou l'on doit allier bien-être animal, propreté, bâtiments sains et une attention particulière à la qualité de l'alimentation des animaux. Autant de facteurs qui contribuent à la qualité générale du produit.
La cuisson du lait casse les matières grasses et délie les protéines, entraînant des arômes parfois trop présents (notamment sur les chèvres et les brebis ou même un fromage frais arrive à être vulgaire). Elle les rend également moins digeste.
Des accidents en cru et en pasteurisé : la fausse idée de la sécurité alimentaire
Le discours des industriels, qui veulent nous faire croire qu'ils veillent chaque jour à notre santé et à notre porte monnaie, est quelque peu lassant... Si la notion de sécurité alimentaire sur les fabrications crues était très importante, il y a une cinquantaine d'année, les ateliers qui fabriquent au lait cru sont aujourd'hui contrôlés, surveillés tant au niveau de la fromagerie que de la fabrication tout comme les industriels. L'INRA (l'Institut National de Recherche Agronomique) parle "de risque sanitaire objectivement bas" concernant les fromages au lait cru. Des accidents arrivent, le rapport de surveillance des toxi-infections alimentaires collectives cite les produits laitiers (crus et pasteurisés dans 6% des cas en 2014). Difficile de savoir la part des produits crus par rapport au fromages pasteurisés car les dernière études datent.
Les fabrications crues, un savoir-faire à protéger
Le lait cru reste la manière la plus simple de faire du fromage. Son interdiction est dramatique, notamment pour les producteurs fermiers qui ne peuvent pas se payer les installations de pasteurisation très chères et énergivores (comme c'est le cas en Grèce).
En France, les fabrications crues semblent être en place. Mais... savez-vous que concernant les AOP ce n'est pas un "non négociable" ? Et oui, l'Inao* joue à peine le jeu. Censé défendre la tradition fromagère, elle a laissé s'implanter la pasteurisation dans 18 cahiers des charges ! Ce n'est jamais innocent, c'est toujours la présence d'industriels représentant du volume qui arrivent à faire plier en ce sens. Voici donc la liste des mauvais élèves, des "fake authentiques", qui cuisent allègrement le lait pour rendre fade et sans âme des symboles régionaux.
Les chèvres : deux AOP autorisent la pasteurisation: le Chabichou du Poitou et le Pouligny Saint Pierre !
Les brebis : cru pour le fermier mais pasteurisation possible pour l'Ossau Iraty industriel.
L'Auvergne, la mauvaise élève : Avec le Cantal, le Bleu d'Auvergne, la Fourme d'Ambert, la Fourme de Montbrisson et le Saint Nectaire laitier qui autorisent la pasteurisation.
Citons également le Bleu des Causse et celui du Vercors.
La Bourgogne ? Pas mieux ! Pasteurisation possible pour le Langres, l'Epoisse et mon copain le Chaource.
En Normandie ? Le Livarot, le Pont l'Eveque et le Neufchatel laitier autorisent le traitement thermique.
Et pour finir ? Maroilles et Munster.
Bon appétit !
Et pour aller plus loin ;)
Le guide de la Laiterie de Paris pour trouver du lait cru ici
Les deux livres de Véronique Richez Lerouge : La vache qui pleure et France ton fromage fout le camp.
Ces fromages qu'on assassine de Joel Santoni et Jean Charles Deniau. Le film à voir et revoir !
Très intéressant et pédagogique.
RépondreSupprimerCa donne envie de passer vous voir et goûter vos productions
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RépondreSupprimerDommage.